Culture des artichauts aujourd’hui :

Planter des artichauts comme nos anciens :

C’est un des meilleurs légumes, on doit en récolter toute l’année, avec un peu de soin, beaucoup d’eau, et une culture bien entendue. J’ai conseillé la culture d’une seule variété : L’artichaut gros vert de Laon, comme très fertile, et incontestablement le meilleur de tous. Il est toujours tendre, même à la poivrade, lorsqu’il a acquis plus de la moitié de son développement.

L’artichaut aime les sols humides et argileux. On doit le fumer copieusement dans tous les cas, mais augmenter d’autant plus la dose de fumier et d’eau, qu’on le plantera dans des sols plus légers. Il y a deux manières de cultiver l’artichaut: en carrés à demeure, où il donne de bons produits pendant trois ou quatre ans, et comme plante annuelle. Le choix entre ces deux cultures dépend de l’importance du potager, de la quantité d’artichauts nécessaire, du produit que l’on peut en retirer, et aussi de l’activité du jardinier.

Si le propriétaire possède un potager très grand, créé dans un sol substantiel, qu’il ait à sa disposition des bras, beaucoup d’eau et de fumier, et qu’il souhaite faire commerce des artichauts dans sa localité, il aura avantage à créer un carré d’artichauts en dehors de l’assolement. Si au contraire le sol est léger, et que le propriétaire ne veuille récolter d’artichauts que ce qui est nécessaire à sa consommation, il aura avantage à adopter la culture annuelle. Nous allons décrire ces deux cultures. On pourra les expérimenter toutes les deux, et choisir la mieux appropriée au sol et aux besoins du cultivateur.

Culture De L’artichaut A Demeure.

Quand on crée un carré d’artichauts destiné à rester en place trois ou quatre ans, le premier soin est de donner un labour, ou plutôt de faire un défoncement à deux bons fers de bêche, c’est-à-dire à la profondeur de 60 centimètres environ, et cela, même lorsque le potager a été défoncé. On enfouit une fumure très copieuse de fumier frais, en opérant le défoncement. S’il est possible de se procurer des déchets de laine ou quelque chose d’analogue, on en mêlera avec le fumier.

Ensuite on place des piquets ainsi : à 60 centimètres des bords, et tous les autres, à 1 mètre 20 centimètres de distance. On pose le cordeau sur ces piquets, on marque les lignes avec la serfouette à pointe, et l’on enlève le cordeau. Avant de procéder à la plantation, on mesure une des lignes afin de laisser une distance de 60 centimètres entre chaque bout de la plate-bande et le premier pied d’artichaut, et une de 1 mètre 20 centimètres entre les pieds. On enfonce un petit bâton à chaque endroit où il faut un pied, en ayant le soin de placer les petits bâtons en quinconce. En opérant ainsi, les pieds d’artichauts sont placés à 1 mètre 20 centimètres de distance, en tous sens. Cela fait, on procède à la plantation.

On fait d’abord des trous de 30 centimètres environ aux places marquées, avec la bêche ou avec un grand déplantoir. On met, au fond des trous, une bonne poignée d’engrais très consommé, que l’on amalgame bien avec la terre du fond, à l’aide du déplantoir. On place l’œilleton au milieu du trou, à une profondeur de 10 à 12 cm, en ayant soin de bien garnir tout le talon de terre, et de la serrer un peu au collet avec les mains. On remet un peu de terre encore, puis du fumier consommé sur toute la largeur du trou, et l’on recouvre de terre, en ayant soin de former un bassin autour du pied, pour forcer l’eau des arrosements à s’infiltrer au pied de la plante. L’artichaut planté comme je l’indique pousse avec vigueur, et donne des fruits quatre ou cinq mois après sa plantation.

On arrose copieusement, immédiatement après la plantation, et l’on continue tous les jours à donner un arrosoir d’eau à chaque pied, jusqu’à la reprise, et même quand il y a quatre ou cinq feuilles de poussées. Alors on n’arrose plus que tous les deux ou trois jours, mais on donne un arrosoir à chaque pied, afin de bien mouiller le sol. Il vaudrait mieux ne pas arroser, et se contenter de biner souvent que de le faire à moitié.

On donne des binages de temps en temps afin de maintenir la terre dans un état de perméabilité constant. On peut contre-planter des choux, des choux-fleurs, des salades, de l’oignon blanc, semer des radis dans les artichauts, cela ne leur nuit en rien, et je dirai même qu’il se trouvent très bien de ces contre-plantations de légumes, souvent et copieusement arrosés, car toute la surface du sol est entretenue dans un état d’humidité très profitable à l’artichaut. Les légumes contre-plantés doivent être tous enlevés quand l’artichaut couvre le sol, et montre ses premières pommes. Le sol lui appartient alors tout entier et il faut le faire produire vite et beaucoup.

Dès que les premières pommes apparaissent, il faut donner un binage énergique, et arroser tous les jours, même deux fois par jour si le temps est très sec. La beauté, la qualité, et le nombre des artichauts sont subordonnés à la quantité d’eau qu’on leur donne.

On peut récolter sur chaque hampe d’artichauts un gros fruit, et deux moyens. Il y en a souvent une plus grande quantité, mais dans un plant destiné à produire pendant plusieurs années, il y a bénéfice à les supprimer pour éviter de fatiguer le pied, et ne pas nuire à la récolte de l’année suivante. Aussitôt les fruits enlevés, il est urgent de couper la hampe aussi profondément que possible sous terre, et bien se garder de la laisser sur le pied ou de la couper à moitié, car elle pourrit sur place, et nuit considérablement au développement des œilletons, à la récolte suivante par conséquent. Quelquefois même, elle entraîne la perte du pied qui pourrit sur place.

Protéger l’artichaut du gel

L’artichaut est très exposé à geler, d’autant plus exposé que pour obtenir de beaux et bons produits, on le plante dans des sols argileux et humides. La conservation des pieds, pendant l’hiver, donne plus de peine et de travail que toute la culture de l’année. C’est le revers de la médaille dans l’exploitation de l’artichaut, et ce revers présente une surface telle que nous avons dû chercher et expérimenter une autre culture pour éviter une main-d’œuvre incessante.

On fait il est vrai, la culture de l’artichaut comme la plupart des cultures. On connaît les dangers auxquels ils sont exposés, pour les conserver. Ils se conservent souvent plusieurs années de suite sans dommage sensible, quand les hivers ne sont pas rigoureux, mais survient-il une saison rude, des gelées prolongées, presque tous les plants sont détruits, et c’est à peine s’il reste assez de pieds pour repeupler tout ce qui a été gelé. Alors on crie à la disette, on tempête après la rigueur de la saison, et l’on manque d’artichauts à peu près partout. La culture annuelle, facile pour le potager, et possible pour la plaine, nous donne le moyen d’éviter ces désastres.

Nous ne voulons rien abandonner au hasard, il nous faut une récolte égale chaque année, recherchons d’abord les moyens de préserver les plantations à demeure, ensuite nous passerons à la culture annuelle.

Lorsqu’on a une plantation d’artichauts d’une certaine importance, il est facile de la préserver de la gelée avec un peu de vigilance. Il faut guetter le temps; tant qu’il reste mou, doux et humide, on laisse pousser les artichauts, mais en ayant le soin de donner des binages de temps à autres pour détruire les mauvaises herbes. Cela a une grande importance avant de butter, car si l’on opère le buttage dans un sol surchargé d’herbes, ces herbes coupées et enfouies vertes, fermentent, pourrissent, et peuvent, par un temps humide, communiquer leur décomposition à l’artichaut très sujet à la pourriture.

Dès que le temps tourne au sec, et que la gelée devient probable, il faut d’abord couper les plus grandes feuilles et butter les pieds, c’est-à-dire, ramener la terre au pied avec la binette. J’ai dit couper les plus grandes feuilles; c’est-à-dire celles du tour, et non raser toutes les feuilles comme on le fait à tort dans certains pays. Priver le pied d’artichaut de toutes ses feuilles c’est retarder la première récolte de plus d’un mois, et la diminuer de moitié.

Le buttage préserve le collet, et les rudiments des œilletons, il favorise même leur développement, mais il est insuffisant pour préserver le pied des atteintes d’une gelée intense et continue. Le buttage est la première opération préventive. On l’opère dès que le temps menace, et aussitôt fait, il faut consulter le baromètre, et se tenir tout prêt pour les autres opérations. On prépare des fumiers ou plutôt des composts, déjà décomposés, et si la gelée paraît imminente, on en entoure les buttes, en en mettant une petite brouettée à chaque pied. Cette fumure sera enfouie au printemps, elle est toute transportée; c’est un ouvrage fait, et elle assurera la conservation des artichauts, quelque rigoureux que soit l’hiver.

Il faut butter à la première menace de gelée; apporter le fumier dès qu’il gèle, afin de l’appliquer sur la butte avant qu’elle ne soit atteinte, et aussitôt le fumier placé, il est urgent, en cas de grande gelée, de placer entre les buttes, une certaine quantité de feuilles sèches, d’herbes desséchées, ou de mauvaise paille, pour en couvrir toutes les feuilles dès que la gelée deviendra rigoureuse. Des artichauts buttés, fumés et couverts de feuilles ou de litière, peuvent impunément braver les hivers les plus rigoureux, mais il ne faut pas oublier que l’artichaut pourrit très facilement, et que chaque fois que le dégel vient, il faut les découvrir complètement, sous peine de les voir pourrir sous leur abri. S’il gèle la nuit et qu’il dégèle le jour, et que le temps reste sec, il faut couvrir le soir, et découvrir le matin. Si l’on ne découvrait pas dès qu’il dégèle, on s’exposerait à la pourriture. Si le dégel est sérieux, c’est-à-dire accompagné de pluie, non-seulement il faut découvrir complètement, mais encore déchausser un peu le collet, afin de l’exposer à l’air. On rechausse par un temps sec, et l’on recouvre par la gelée. C’est un travail incessant et une surveillance continue pendant tout l’hiver. La plupart du temps, il en est des artichauts comme des arbres fruitiers que l’on abrite chaque jour. On apporte beaucoup de zèle dans le commencement, mais on se refroidit vers la fin de la saison, on a si souvent abrité inutilement qu’on ne croit plus au danger, et le jour où les soins cessent, une gelée emporte tout.

Vers le mois d’avril, quand les gelées ne sont plus à redouter, on enlève la litière. On répand également le fumier qui recouvre les buttes dans tout le carré, on démolit les buttes, et l’on donne un labour profond à l’aide duquel on enfouit le fumier. Quinze jours plus tard, vers le 15 avril, lorsque les pieds commencent à bien pousser, on œilletonne, c’est-à-dire on détache du collet toutes les pousses inutiles, ce sont les œilletons que l’on plante pour créer à nouveau.

Oeilletonner les artichauts

Habituellement on œilletonne en donnant le labour, c’est une façon de moins et du temps de gagné quand on n’a pas besoin de plant; mais quand on veut replanter, il vaut mieux attendre quinze jours, les œilletons sont mieux formés, ils sont pourvus de petites racines à la base, et alors on choisit du plant d’élite, dont la précocité et la fertilité sont assurées.

Voici comment on procède à l’œilletonnage : On déchausse complètement le pied tout autour, on choisit les deux plus grosses tiges pour les conserver (deux seulement par pied) si l’on en laisse davantage , la récolte est sensiblement diminuée en quantité et en qualité. Tous les traités d’horticulture conseillent d’éclater les œilletons; cela m’a toujours semblé barbare. La déchirure produit une plaie qui se cicratrise toujours mal, et il me semblait que la récolte devait souffrir des nombreuses déchirures faites au pied mère. Je me suis livré pendant plusieurs années à des essais comparatifs; dans le même carré, j’œilletonnais par éclats, et je coupais, au lieu d’éclater sur une ou deux rangées. L’expérience de plusieurs années, m’a révélé ceci d’une manière absolue :

Les pieds, dont les œilletons avaient été coupés, étaient beaucoup plus vigoureux, donnaient plus de fruits, des fruits plus beaux, et mûrissant trois semaines avant ceux des pieds œilletonnés par éclats. Ce fait s’est produit pendant huit ou dix années, j’ai abandonné l’œilletonnage par éclats, je pratique, et conseille l’œilletonnage avec la serpette, à l’exclusion du précédent. En outre, les œilletons destinés à être replantés étaient plus ou moins avariés lorsqu’ils étaient enlevés par éclats, une partie pourrissait en terre; ce qui explique cette recommandation de plusieurs traités d’horticulture : « de couper avec la serpette les parties déchirées des œilletons, de les laisser à la cave quatre ou cinq jours avant de les planter pour cicatriser « la plaie et éviter la pourriture. »

Je suis loin de nier l’efficacité du moyen contre la pourriture, mais j’affirme qu’un œilleton qui a fané quatre ou cinq jours à la cave, a éprouvé une fatigue qui retarde considérablement son développement lorsqu’on le plante; donne lieu non-seulement à une végétation moins vigoureuse, mais encore fructifie plus tard, et donne des fruits moins gros et moins abondants que celui qui a été détaché avec la serpette, et replanté aussitôt.

Lorsqu’on œilletonne avec la serpette, on sacrifie tous les œilletons faibles et l’on enlève avec précaution les meilleurs, ceux qui ont le collet gros, et un bon empatement de racines, il est facile en les coupant sur le pied-mère de conserver quelques petites radicelles. Ces radicelles concourront puissamment à la végétation et à la fructification du sujet planté, puisqu’on plante un sujet parfait, composé d’une tige et d’une racine, au lieu de planter un sujet imparfait, une bouture, uniquement composée d’une tige et privée de racines. Dès que l’œilleton est détaché du pied-mère on coupe les grandes feuilles pour éviter l’évaporation et on le plante aussitôt.

Dès que l’œilletonnage est opéré on rechausse le pied-mère. On arrose copieusement aussitôt que les pommes paraissent. Les mêmes soins sont appliqués pendant l’hiver; l’œilletonnage est fait chaque printemps et ainsi de suite pendant les quatre années que dure le plant d’artichauts. Je ne parle pas de fumure parce qu’il est entendu que chaque année on recouvre les buttes de fumier enfoui au printemps.

Si au lieu de fumier on employait de la litière ou des feuilles, pour recouvrir les buttes, il faudrait donner chaque année une fumure que l’on enfouira par le labour de printemps.

Culture annuelle des artichauts.

Cette culture est bien préférable pour le propriétaire à la culture à demeure, elle évite d’abord tous les ennuis de l’hivernage qui demande une surveillance constante; ensuite, elle donne avec moins de peine, des produits plus précoces et plus tardifs. Avec la culture annuelle, il est facile d’avoir des artichauts presque pendant toute l’année. Dans ce cas, la culture de l’artichaut entre dans l’assolement comme celle des autres légumes.

Au lieu de laisser les artichauts en terre, de les butter, de les couvrir et de les découvrir sans cesse pendant tout l’hiver, sous peine de les voir geler ou pourrir, on arrache tout à la fin de l’année, un peu avant les gelées. On choisit, parmi les œilletons les plus forts, ceux qui ont le collet le plus gros, la quantité nécessaire pour faire les artichauts de primeur, et l’on plante le reste dans la serre à légumes. On plante les œilletons de choix dans des pots un peu grands, et on les place dans une bâche froide, où, protégés par le verre, ils continuent à végéter lentement. Lorsque la saison devient dure, quand il gèle, on place un réchaud autour de la bâche, et l’on couvre avec des paillassons. Les artichauts, ainsi conservés l’hiver, sont mis en pleine terre au mois d’avril, lorsque les gelées ne sont plus à craindre, dans un carré du potager.

La végétation lente, mais contenue dans la bâche, a favorisé la fructification, les pommes se montrent très vite après la plantation à demeure, et quelquefois avant. Les artichauts, ainsi conservés l’hiver, produisent six semaines au moins avant ceux qui restent en terre. On peut conserver des artichauts en pots, dans une orangerie à défaut de bâche, et si l’on a des châssis en quantité suffisante, on peut les forcer et leur faire produire des fruits vers la fin de l’hiver, en montant une couche au fond de la bâche.

Les artichauts conservés en pots pendant l’hiver sont uniquement destinés à la production de primeur, on a intérêt à les pousser très vite, afin d’accélérer leur récolte et d’en débarrasser la terre. On les contre-plante de choux-fleurs; on arrose très copieusement, et aussitôt la récolte faite, on arrache tous les pieds d’artichauts, et on les jette au fumier pour augmenter la masse des composts; on fait encore, à la place qu’ils occupaient, une récolte de choux d’hiver, contre-plantés de salades, d’ail, etc.

Avec les pieds d’artichauts qui ont été plantés ou plutôt enterrés dans du sable un peu gras ou mélangé de terre, dans la serre à légumes ou à la cave, on fait la plantation d’artichauts d’automne. Vers la fin de mars ou dans les premiers jours d’avril, on enlève les meilleurs œilletons avec soin, et on les plante comme je l’ai indiqué précédemment dans le carré du potager. On ne plante qu’un œilleton par pied, jamais deux, comme on le fait trop souvent, car lorsque les artichauts reçoivent les arrosements nécessaires, ils forment des touffes trop grosses, cela nuit à la production.

Tous les artichauts cultivés annuellement seront plantés en quinconce à 90 centimètres.

Les œilletons pris dans la serre à légumes, et plantés au printemps donneront des fruits en août, septembre et octobre s’ils sont assez arrosés. Ils commenceront à produire quand les artichauts conservés en pots auront cessé de donner. Souvent il reste plusieurs petits artichauts à l’approche des gelées. On arrache les pieds tout entiers, et on les replante dans une bâche froide, dans la serre à légumes ou même à la cave, où ils achèvent de mûrir, et donnent encore d’excellents fruits à l’entrée, et quelquefois en plein hiver.

Si l’on tient à avoir des artichauts pendant l’hiver et que l’on ait assez de châssis pour les abriter, rien n’est plus facile. On fait pour cela une plantation spéciale dans le carré du potager; on arrose pour assurer la reprise, puis on cesse d’arroser pendant quelques temps pour retarder la récolte. En un mot, on gouverne ses artichauts pour qu’ils ne montrent leurs pommes qu’en octobre. On arrache les pieds tout entiers pour les placer sous bâche, ou dans la serre à légume, ou à la cave, où ils achèvent de grossir pendant l’hiver.

La seconde plantation d’artichauts, celle faite avec les œilletons de la serre à légumes, est arrachée à l’approche des gelées; elle fournit les pieds pour mettre en pots, et les œilletons pour faire la seconde et la troisième plantation s’il y a lieu.

Rien n’est plus facile que cette culture, et, bien qu’elle paraisse compliquée en apparence, elle donne moins de peine que celle des artichauts à demeure, tout en produisant des fruits plus précoces et plus tardifs, presque sans interruption pendant toute l’année, et de plus, on a toujours la certitude de ne jamais manquer d’un des meilleurs et des plus précieux produits du potager.

 

 

Culture de l’artichaut

– L’artichaut se plaît de préférence dans les terrains profonds, bien fumés légèrement humides, les engrais liquides lui conviennent parfaitement.
On le multiplie par œilletons ou éclats déjeunes pieds, et par semis, ce dernier mode de propagation est moins usité et moins pratique que l’œilletonnage, car les sujets qui en proviennent, possèdent rarement les qualités des variétés dont ils sont sortis : la dégénérescence s’effectue facilement; cependant, dans un semis d’une certaine importance, il se trouve des sujets équivalant au type porte-graines. Ce moyen de propagation n’est bon que pour obtenir de nouvelles variétés, ou pour les pays où les œilletons ne se transporteraient pas.

On sème en février et mars dans des pots, sous châssis, sur couche tiède; ou en avril, mai, en place. On prépare pour cela de petits trous d’une largeur de 20 à 30 centimètres qu’on remplit de fumier, à moitié pourri, qu’on tasse bien. On recouvre avec de la bonne terre meuble, puis on sème cinq ou six graines par trou. On arrose aussitôt pour faciliter la germination, et quand les jeunes plants sont assez forts, on éclaircit, on en laisse trois dans chaque trou. On bine et l’on arrose. Les jeunes plants, semés en pots, seront mis en place dans les mêmes conditions.

Que l’on ait semé en place, en pots ou en pépinière, plusieurs pieds commencent en août, septembre, à porter des fruits; on fait alors un choix judicieux des meilleures variétés en arrachant toutes les inférieures; ce n’est guère que la seconde année cependant qu’il est plus facile de juger les variétés qu’on a obtenues ; celles que l’on conservera seront ensuite multipliées par l’œilletonnage.

C’est ordinairement vers la fin de mars, avril et mai, selon les climats, après avoir déchaussé les vieux pieds, c’est-à-dire les avoir débarrassés des mottes de terre ou de paille qui les entouraient pour les garantir de la gelée, qu’on procède à l’œilletonnage. On enlève tous les plus petits œilletons, pour ne conserver à chaque touffe que trois ou quatre des plus beaux pour la production.

Les plus beaux œilletons qu’on enlève et qu’on destine à de nouvelles plantations doivent être détachés de la souche avec soin. On conserve à chacun une portion de la vieille souche pour en faciliter la reprise ; avant de les planter on rafraîchit un peu la coupe avec le couteau, et on rogne l’extrémité des feuilles, on plante aussitôt l’œilletonnage, on met de côté, en pépinière une certaine quantité do plants, qui seront destinés à remplacer les manquants en juillet, août.
Il est une vieille routine, que beaucoup de maraîchers mettent on pratique, et qui consiste à replanter en septembre la base des tiges qui ont cessé de produire, autrement dit les vieux trognons. On plante en place, ou mieux en pépinière pour les replanter au printemps suivant Par ce moyen, on obtient des sujets vigoureux et d’une reprise assurée, mais il faut avoir soin, on détachant les tiges, de leur conserver une bonne portion de la souche. Ce procédé est bon à imiter.

Quel que soit le mode de multiplication, il faut que le terrain destiné à la plantation soit récemment labouré profondément, et fumé copieusement. On plante au cordeau ou à la houe fourchue à 90 centimètres ou 1 mètre en tous sens, on met deux ou trois œilletons ensemble à 10 centimètres en forme de triangle. On les assujettit bien en tassant fortement la terre auprès des racines et l’on arrose pendant toute la belle saison ; les sarclages, et binages seront fréquemment renouvelés. Dans un jardin maraîcher, on plante rarement les artichauts seuls, on y intercale des choux, des romaines, et même de l’oignon blanc.

Lorsque les vieux pieds ont donné leur première récolte dans la seconde quinzaine de juillet, on coupe les tiges et on enlève les feuilles sèches. Ensuite on arrose copieusement ou l’on irrigue s’il est possible. Par ce moyen, on aura encore une demi-récolte en automne.

Après cette dernière récolte, les tiges qui ont produit sont également enlevées et, en novembre, on les butte en travaillant, de façon à former un fort cône de terre autour de chaque touffe, on tasse bien cette terre avec le dos de la bêche. Certains auteurs conseillent de les entourer de paille ou de fumier, excellent système, mais impraticable pour une grande quantité. Les artichauts buttés avec la terre passent les plus grands hivers sans souffrir, cette méthode n’est pratique que pour le nord, l’ouest et l’est et une partie du centre de la France; le Sud-Ouest depuis Bordeaux et le Midi n’ont pas besoin de cette précaution, l’artichaut gèle rarement dans ces contrées.

Dans les derniers jours de mars ou commencement d’avril, si le temps paraît devoir être beau, on débutte, on fume et l’on donne un bon labour à la bêche afin de bien enfouir le fumier. On œilletonne ensuite en procédant comme nous l’avons indiqué plus haut.

Pour qu’une plantation d’artichauts puisse donner de beaux produits, il faut qu’elle soit renouvelée tous les quatre ans, cinq au plus. Cette opération doit se faire partiellement afin que la production soit échelonnée. Cette méthode si bien comprise est pratiquée par les jardiniers du nord de la France, ne l’est pas dans le Sud-Ouest, où, dans certaines contrées, les plantations d’artichauts sont conservées dix et douze ans et même plus. Aussi, qu’arrive-t-il? les produits deviennent de plus en plus inférieurs en volume et, par suite dépréciés et moins vendus sur nos marchés. On conseille dans le but de faire grossir les fruits, de fendre la tige en quatre immédiatement au-dessous du réceptacle et d’y introduire deux morceaux de bois ou de roseau en croix. Ce système est employé par quelques cultivateurs de Perpignan qui obtiennent par ce moyen des artichauts énormes.

Graines de l’artichaut.

— Pour récolter la graine, on laisse monter le premier fruit, c’est-à-dire celui du centre, qui est toujours plus beau et mieux nourri que les autres qui lui succèdent. On ne doit le cueillir que lorsqu’il est bien mûr, presque sec.
Les graines se conservent six années.

Usages.

— En faisant blanchir la base des pétioles à la manière des cardons, on peut les manger comme eux, car la saveur est à peu près la même. On peut aussi, lorsque les fruits ont atteint la moitié de leur grosseur, les coiffer d’un sac de toile épaisse, de paille ou de mousse, de façon à les tenir dans l’obscurité. Au bout de quelques jours, ce fruit devient blanc décoloré et peut être employé à divers usages culinaires ; il est d’un goût exquis.

On mange le réceptacle, soit cuit ou cru.

Les fleurs séchées, qu’on appelle vulgairement foin ou chardonnette, sont employées pour faire cailler le lait.

Comme la plante est riche en tanin, les mégissiers s’en servent, ils emploient de préférence les capitules.

Les teinturiers utilisent quelquefois les feuilles en décoction. Les feuilles teignent en jaune d’or la laine traitée par le bismuth.

Les tiges brûlées donnent beaucoup de potasse.