Labour – Technique du labourage du sol

Bénéfice du labour et technique du labourage

La culture proprement dite a pour but:

1° d’exposer la plus grande surface de terre possible à l’influence des agents atmosphériques pour qu’elle puisse se déliter, et s’imprégner en même temps des gaz contenus dans l’atmosphère;

2° D’ameublir le sol à une certaine profondeur pour que les racines puissent s’y étendre librement;

3° De rendre le sol perméable à l’eau et à l’air, afin de le conserver frais, sans humidité surabondante, et de permettre au gaz oxygène de décomposer les engrais qu’il renferme;

4° De détruire les mauvaises herbes, c’est-à-dire toutes les plantes étrangères à la culture, qui étouffent les bonnes plantes, et absorbent en pure perte les engrais qui leur sont destinés. Les moyens employés pour atteindre ces divers buts, dans le jardin potager sont: les labours, les hersages à la fourche crochue, et les binages.

labour

Le labour est un moyen d’ameublissement très énergique, mais il demande à être fait assez profondément, et en temps opportun, pour donner tous les résultats désirés. Les labours doivent être multipliés dans les sols argileux, naturellement compacts et humides. Dans les sols de cette nature, il est urgent de faire un labour grossier à l’automne, afin d’exposer les mottes de terre à l’influence des gelées qui les pulvérisent complétement. Puis au printemps, lorsque la terre est bien saine, on pratique un second labour plus profond, et à l’aide duquel on rend la terre très meuble.

Il faut bien se garder de labourer les terres compactes lorsqu’elles sont très mouillées. Dans ce cas, chaque coup de bêche forme une brique, et on s’expose à rendre le sol infertile pendant plusieurs années. On ne doit travailler les terres fortes que lorsqu’elles sont saines, c’est-à-dire ni ni trop sèches, ni trop humides.

Un labour au printemps suffit dans les sols de consistance moyenne et dans les sols siliceux. Mais il faut que ce labour soit fait dans de bonnes conditions, et assez profondément, comme le second labour, celui de printemps, donné dans les terres fortes.




Beaucoup de jardiniers de profession hausseront les épaules en nous entendant leur donner une leçon de labour; ils connaissent leur état et n’ont fait que cela toute leur vie, disent-ils. C’est vrai, mais nous ne voudrions pas du travail de ces héros de la pratique dans nos pépinières. Le labour est généralement considéré comme une opération toute machinale, abandonnée le plus souvent à des hommes de journée qui ne soupçonnent même pas ce que peut être un bon labour, ou quand il est exécuté par le jardinier, il y met un empressement trop grand pour qu’il soit fait dans de bonnes conditions.

Les hommes de journée, les paysans surtout, travaillant fort, font le labour dans le potager comme en plaine. Ils enlèvent des bêchées de terre énormes en se contentant de les retourner, ce qui produit une grosse motte bien dure, et rend le sol imperméable à l’air et à l’eau. C’est le pis de tous les labours, vingt hersages énergiques sont impuissants pour ameublir le sol, quand un tel travail est fait dans une terre forte.

Les jardiniers cassent les mottes, mais ils emploient des bêches si petites, et si courtes, que la profondeur de leur labour dépasse rarement vingt centimètres. La surface est unie, bien ameublie, mais le labour est si peu profond que la moindre chaleur vient immédiatement dessécher le sol. Les plantes y viennent d’abord assez bien, mais dès qu’elles acquièrent une certaine force, les racines ne trouvant plus de terre meuble pour s’étendre, la végétation s’arrête sans cause apparente.

Le labour doit être fait le plus profond possible; la bêche doit pénétrer verticalement, de toute sa hauteur dans la terre, afin de donner au labour une profondeur de 30 centimètres au moins. Mais pour cela il faut employer de véritables bêches, telles que je les ai décrites, et non des imitations de pelle à feu. Il faut prendre peu de terre à la fois. Une épaisseur de 15 centimètres environ, la retourner, et la bien pulvériser. En opérant ainsi, on va tout aussi vite qu’en enlevant d’un coup des masses de terre qui forment des mottes énormes. L’ouvrier a moins de peine, et il fait un labour qui contribue presque autant que l’engrais à activer la végétation, au lieu d’abîmer la terre en dépensant le double d’efforts.

labourage

Enfouir les engrais avec le labour

Un mot sur l’enfouissement des engrais, inhérent au labour. Lorsqu’on exécute un labour par lequel on enfouit une fumure, on place habituellement le fumier d’intervalle en intervalle au fond de la jauge. Cette opération, ainsi faite, offre plusieurs inconvénients graves.

Le premier est de ne fumer que très partiellement la planche ou le carré où le fumier forme, sous le sol, des petits serpenteaux. Tout l’espace occupé par les parties blanches, ne reçoit pas d’engrais, et les plantes placées sur ces espaces ne profitent en rien d’une fumure souvent très abondante.

Le second inconvénient n’est pas moins grave, c’est celui d’enfouir le fumier trop profondément pour que les racines puissent l’atteindre. Une telle fumure ne produit aucun effet la première année, ce n’est que la seconde, quand on laboure et qu’on retourne le sol de nouveau, que le fumier, entièrement décomposé, se trouve mêlé à la terre occupée par les racines. Alors c’est un terreautage, rien de plus. C’est en opérant ainsi qu’on dépense des masses d’engrais considérables sans obtenir le moindre succès.




Il ne faut jamais oublier que les plantes ne peuvent aller chercher leur nourriture comme les animaux, et qu’il faut que cette nourriture soit à portée des racines pour favoriser leur développement.

Lorsqu’on fume, on commence par répandre également le fumier sur le sol avant de labourer, afin d’en mettre une quantité égale partout, et l’on en réserve assez pour mélanger avec la terre mise de côté pour boucher la jauge.

Avant de commencer le labour, on ouvre une jauge assez large, on creuse verticalement. on établit la jauge en biais, et l’on place, après avoir jeté une pelletée de terre sur toute la longueur de la jauge, un peu de fumier en plan incliné, à la profondeur de 10 centimètres. En opérant ainsi, il est impossible qu’une plante, placée verticalement en terre, ne reçoive pas sa part de fumier.

J’ai dit de placer le fumier à 10 centimètres de profondeur, voici pourquoi: les plantes, comme nous le savons, absorbent les engrais surtout à l’état liquide. Que deviendront les parties liquides des engrais enfouis en serpenteaux au fond de la jauge, à une profondeur de 30 à 35 centimètres ? Elles seront entraînées par les eaux pluviales ou par les arrosements, où jamais les racines des choux n’atteindront, et elles satureront le sous-sol d’excellents engrais sans que le chou en absorbe un atome. Bien plus, s’il est planté entre deux serpenteaux, il n’aura à sa disposition qu’une terre complétement veuve d’engrais, et en admettant encore que le hasard l’ait fait placer immédiatement au-dessus du serpenteau de fumier, c’est à peine si quelques radicelles parviendront jusqu’à lui. La fumure est dépensée en pure perte quelque copieuse qu’elle soit, et la récolte sera à peu près nulle.

Passons maintenant à la partie labourée et fumée comme je l’ai indiqué. La racine du chou, a été piquée dans la partie fumée, et l’eut-elle été, même entre les intervalles, il est impossible que la racine n’ait pas été en plein fumier immédiatement. De plus, les arrosements et les eaux pluviales saturent complétement les intervalles d’engrais liquide et les entraînent jusqu’à la région dépassant de beaucoup l’extrémité des racines. Donc toute la couche de terre est complétement saturée d’engrais. Chaque radicelle en a une large part, et le chou abondamment nourri depuis le jour de sa mise en place jusqu’à celui de son entière croissance, sera double en grosseur du chou non nourri, qui mourant d’inanition mettra deux fois autant de temps que son voisin à former une pomme chétive, dure et mauvaise.

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Il en est de l’enfouissement du fumier comme de l’emploi du sable dans les terres fortes du val de la Loire. Les paysans l’emploient avec raison, mais au lieu de mélanger le sable avec la terre ou avec les engrais, ce qui serait encore préférable, pour diviser une terre compacte, et la rendre perméable, ils placent le sable sur le sol.

Indépendamment de son inefficacité, sa couleur blanche repousse l’action des rayons solaires, et une terre déjà froide naturellement ne peut parvenir à s’échauffer. Il en résulte une tardivité énorme dans la récolte, tandis que l’on eût obtenu une précocité remarquable en mêlant le sable aux engrais et en l’enfouissant au lieu de le répandre sur le sol. Les meilleures choses mal appliquées donnent souvent les résultats contraires à ceux que l’on attend, et alors on accuse le sol.

Immédiatement après le labour, il est toujours utile, dans les terres compactes, et même dans celles de consistance moyenne, de donner un bon hersage, avec la fourche crochue, pour briser les mottes qui ont échappé à la bêche; ensuite, on donne un coup avec le râteau à dégrossir pour enlever les pierres, et on s’occupe de dresser les planches.

J’ai dit précédemment que l’arrosage était ce qui coûtait le plus cher dans la culture du potager. Je donnerai plus loin les moyens d’économiser plus des deux tiers de la main-d’œuvre, mais quelque bon marché que coûte l’eau, elle ne doit pas être gâchée plus que le fumier, car souvent elle est rare et il faut toujours en conserver à sa disposition. Nous organiserons nos planches de manière à ce que toute l’eau dépensée profite aux plantes.

Si la planche labourée, hersée et grossièrement ratissée est destinée à recevoir un semis en plein, on établira tout autour avec le dos du râteau un rebord de 4 à 5 centimètres, afin de renfermer l’eau des arrosements, et celle des pluies dans la planche, et l’empêcher de couler dans les sentiers.

Si la planche doit recevoir des repiquages, on fera également un rebord tout autour, mais moins haut, 2 à 3 centimètres suffiront, et l’on tracera avec la serfouette à pointe autant de rayons de 3 à 4 centimètres de profondeur, qu’il y aura de lignes de plants. En opérant ainsi on forcera l’eau à s’infiltrer dans les rayons et par conséquent sur la racine des plants, et l’on augmentera de beaucoup l’effet des arrosements en employant la même quantité d’eau.