Asperge – Culture des asperges

Planter des asperges aujourd’hui :


Culture des asperges aujourd’hui

Culture de l’asperge autrefois

SEMIS D’ASPERGES.

Vers la fin de mars, on laboure profondément une planche, et l’on enfouit par ce labour une abondante fumure d’engrais à moitié décomposé. On dresse ensuite la planche avec des rebords tout autour pour retenir l’eau des arrosements, puis on pose des piquets à chaque bout à 25 ou 30 centimètres d’intervalle; on place le cordeau et l’on trace avec la serfouette à pointe des sillons de quatre centimètres de profondeur. Cela fait, on enlève le cordeau: on met du terreau de couche dans un panier et l’on en sème environ un centimètre d’épaisseur au fond des sillons. On sème ensuite les graines à trois centimètres de distance dans les sillons; on les recouvre d’un centimètre de terreau environ, et en dernier lieu, on recouvre le tout de crottin de cheval pur, et bien écrasé avec les doigts.

Lorsque le temps est sec, il faut arroser souvent jusqu’à la levée des plants. Les arrosements donnés sur le crottin de cheval, qui recouvre le tout, dissolvent toutes les parties solubles, qui viennent saturer d’engrais assimilable, toute la couche de terre qui sera occupée par les racines. On arrache à la main toutes les mauvaises herbes, s’il s’en montre avant la levée du plant. Dès que celui est bien levé, on donne un petit binage très léger avec le sarcloir, et l’on arrache à la main les mauvaises herbes qui poussent entre les plants. On arrose de temps à autre, s’il fait sec; lorsque le plant a atteint une hauteur de dix centimètres environ on donne un binage plus énergique, et l’on recouvre le sol de crottin tout frais, bien écrasé avec les mains, et dans lequel on mêle quelques poignées de plâtre ou de cendre à défaut de plâtre, mais le plâtre vaut mieux.

Le printemps suivant ce plant est bon à mettre en place, surtout si on lui a donné tous les soins que j’ai indiqué, et quand bien même une partie de ces soins aurait manqué, il serait encore bon à planter; il serait un peu moins fort, mais meilleur à coup sûr que des plants de deux et trois ans, comme on a la mauvaise habitude de les employer.

Les griffes d’asperges sont très fragiles; elles ne souffrent pas de la déplantation la première année, où les racines sont peu développées, mais la seconde on en brise une grande partie, et cela apporte un retard notable à la végétation.

Si l’on veut forcer des asperges sous châssis, on laissera une griffe tous les 50 centimètres , on labourera, en ayant soin de ne pas les endommager, et l’on fumera en couverture avec du fumier à moitié décomposé. Ces griffes seront bonnes à arracher l’année suivante, pour les replanter sous châssis.

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PLANTATION D’ASPERGES DANS LE POTAGER.

L’asperge demande une terre douce, calcaire, plus légère que forte, et surtout exempte d’humidité; elle aime le calcaire, et demande une quantité considérable d’humus. Avec assez d’engrais, additionné d’une matière calcaire quelconque, on peut obtenir des asperges dans tous les sols, pourvu qu’ils soient sains.

Il n’existe pas de potager quelqu’argileux qu’il soit où l’on ne puisse créer un plant d’asperges. Dans ce cas, il faut amender, et quelqu’amendement que l’on donne à la terre, ce sera toujours moins dispendieux que les plantations dans des fosses profondes, avec assainissement du fond, et des montagnes de fumiers dépensées en pure perte.

Dans le cas où le sol serait très compact, très humide, et retiendrait de l’eau stagnante dans les couches inférieures, il faudrait drainer le plant d’asperges, mais c’est un cas exceptionnel qui ne se rencontre pas une fois sur cent. Lorsque la terre est forte, argileuse, un amendement suffit; suivant la compacité du sol, on répand également sur toute la surface, du sable mêlé à des plâtres concassés, à des vieux mortiers de chaux, à de la chaux, ou à défaut de tout cela à des cendres de bois, de four à chaux, d’usines et même de locomotives, si l’on est placé près d’une ligne de chemin de fer, et que l’on n’ait pas autre chose à sa disposition. Je suis très partisan des cendres de locomotives parce qu’on peut s’en procurer en grande quantité, presque pour rien, et que l’expérience m’a prouvé qu’elles agissaient avec beaucoup d’énergie, dans les sols argileux et siliceux, qui manquent essentiellement de calcaire.

Lorsque le sol à planter est très compact, il est utile de lui donner un labour grossier avant les gelées ; on le laisse ainsi pendant tout l’hiver, et au printemps, on répand l’amendement, que l’on amalgame bien avec la terre, en ayant le soin d’extraire les pierres et de casser les mottes, en exécutant un labour à deux fers de bêche; quelques jours après, on répand également une fumure abondante, que l’on enfouit par un dernier labour. Ces trois labours ne sont nécessaires que dans les terres très fortes, très argileuses.

Dans les sols de consistance moyenne, dans les terrains contenant assez de calcaire, on répandra la fumure également sur le sol, et on l’enfouira par un seul et unique labour donné à deux fers de bêche, lorsque la terre sera bien saine. Dans les terrains siliceux où l’asperge donne de très beaux résultats, on donnera également un seul labour au printemps, labour par lequel on enfouira la fumure, qu’il sera bon d’additionner de calcaire ou de cendres.




Lorsque le terrain à planter est nivelé, labouré, fumé et purgé de pierres, on place des piquets à 1 mètre 20 centimètres de distance, celle à laquelle on plantera les lignes d’asperges, que l’on orientera de l’est à l’ouest. Au lieu de faire des planches contenant deux et quelquefois trois rangs d’asperges, plantés de 40 à 60 centimètres de distance, nous ne ferons qu’une seule ligne tous les 120 centimètres, et nous planterons les griffes d’asperges à la même distance, sur toute la longueur de la ligne, en ayant soin de planter les lignes suivantes en quinconce, afin d’avoir une distance de 1 mètre 20 centimètres, en tous sens, entre les pieds.

Ce mode de plantation paraîtra exagéré à ceux qui ont l’habitude de planter les asperges à 40 centimètres. Un mètre vingt centimètres est la distance voulue et expérimentée pour l’asperge d’Argenteuil, six ou huit fois plus grosse que la verte, et quatre fois plus productive. Si l’on plante plus près, on s’expose à perdre beaucoup sur le volume et sur la quantité des asperges.

Lorsque les piquets sont placés à 1 mètre 20 centimètres de distance, on enfonce de chaque côté un piquet à 20 centimètres de celui du milieu, ce qui donne, lorsque le cordeau est posé, une ligne de 40 centimètres de large. On ouvre des petites tranchées de 14 centimètres de profondeur, et de 40 de largeur, pour planter les griffes, en rejetant la terre extraite à droite et à gauche.

Les tranchées ouvertes, on met un peu de fumier à demi-consommé au fond, et l’on met en réserve deux ou trois poignées du même engrais, tous les 1 mètre 20 centimètres, à la place que doit occuper chaque griffe d’asperges. Cela fait, on procède à la plantation des griffes.

Culture des asperges

On forme une petite butte de terre avec les mains, au milieu de la tranchée, à la place où l’on doit planter la griffe. On la place sur le sommet de la butte, en étalant soigneusement les racines tout autour; on couvre les racines de 2 ou 3 centimètres de terre, en ayant le soin de la bien faire adhérer à l’extrémité des racine ; puis, avec la main, on distribue sa réserve d’engrais sur tout le périmètre des racines recouvertes de terre, et l’on termine l’opération en recouvrant le tout de terre.

Le collet de la griffe ne doit pas être couvert de plus de dix centimètres de terre. Aussitôt la plantation faite, on place, à côté de la griffe plantée, un petit bâton, afin de reconnaître sa place, et d’éviter de la blesser en donnant des binages. Lorsque le temps est sec, il est bon de pailler toute la surface des fosses.

Quelques semaines après, les asperges poussent; elles ne demandent d’autre soins, pendant tout l’été, que quelques binages, pour détruire les mauvaises herbes, et deux ou trois arrosements à l’engrais liquide si la saison est très sèche. Vers la fin d’octobre, on coupe les tiges à moitié, afin de reconnaître facilement la place de la griffe; on déchausse le collet de façon à ne lui laisser qu’une couverture de terre de 6 centimètres environ, puis, on répand du fumier sur tout le périmètre occupé par les racines, en évitant d’en mettre sur la couronne, et l’on abandonne ainsi les pieds pendant tout l’hiver.

L’asperge ne craint ni le froid ni la gelée, mais elle obéit à ce besoin impérieux qu’éprouvent les racines de toutes les plantes, de se mettre en contact avec l’air. Les racines des asperges trop enterrées remontent constamment pour respirer, comme disent les cultivateurs d’Argenteuil, c’est-à-dire que les racines enterrées trop profondément, soustraites par conséquent au contact de l’air, pourrissent, et qu’il s’en forme de nouvelles au-dessus des anciennes au grand détriment de la vigueur du pied. Alors on dit que l’asperge remonte, donnez-lui de l’air pendant l’hiver, elle cessera de remonter. C’est un fait reconnu par les cultivateurs d’asperges et consacré par des années d’expérience. Ce mode de culture est diamétralement opposé à tout ce qui a été fait jusqu’ici. On asphyxiait la plante tous les ans; les cultivateurs d’Argenteuil lui donnent de l’air, sans lequel aucune plante ne peut exister. La vieille, ou plutôt les vieilles méthodes, n’ont jamais produit une asperge qui puisse être comparée à celles d’Argenteuil. La culture d’Argenteuil ne produit que des asperges monstrueuses, elle en produit le double en nombre et à deux fois moins de frais que les vieilles méthodes. C’est le fait accompli dans toute sa brutalité.

Je laisse parler les créateurs de l’asperge d’Argenteuil et de sa culture: « La griffe d’asperge remonte l’hiver quand elle est trop couverte ; elle utilise son temps de repos à fortifier ses racines, elle acquiert une nouvelle force, mais l’air lui est nécessaire, et c’est pour en prendre suffisamment qu’elle dépense une partie de ses forces à remonter. Supprimez l’épaisseur de la couche de terre qui la recouvre, elle respirera aisément et ne se déplacera plus; n’ayez garde qu’elle cherche à se déplacer pendant le temps de la végétation, et tenez pour certain qu’elle s’occupera seulement à lancer ses jets au dehors, parce qu’alors, ces jets sont autant d’organes respiratoires qu’elle multipliera obstinément au fur et à mesure que vous les supprimerez. Si, comme nous l’avons été, cette affirmation vous laisse incrédules, faites comme nous, observez, et votre conviction ne tardera pas à égaler la nôtre. »

Lorsqu’on a déchaussé et fumé comme je viens de l’indiquer, vers la fin d’octobre, on se garde bien de recouvrir le fumier de terre, dans la crainte d’empêcher l’asperge de respirer. Ce n’est que vers le 15 mars qu’on recouvre le fumier que les pluies de l’hiver ont dissous en grande partie; les racines sont saturées d’engrais, alors on ramène la terre sur chaque griffe, marquée par les tiges, qui ont été conservées avec intention à une longueur de 30 à 4O centimètres, et l’on forme autour de ces tiges une butte de terre de 25 à 30 centimètres d’élévation ; cette terre bien ameublie, exposée tout l’hiver à l’action des gelées, donne facilement passage aux asperges qui ne tarderont pas à pousser.

La première année, nous avons couvert le collet des griffes de 10 centimètres de terre seulement: la seconde année, où nous ne récolterons pas encore d’asperges, on déchaussera, on fumera à la fin d’octobre et l’on rechaussera en mars de quinze centimètres de terre seulement. La troisième année. où l’on commencera à couper les plus grosses asperges, on fera les mêmes façons d’automne, et l’on buttera à 30 centimètres de hauteur, et ainsi de suite tous les ans, tant que le plant d’asperge durera.

La manière de récolter les asperges a une grande importance au point de vue du volume et de la quantité. Il faut abandonner l’antique couteau que l’on plongeait profondément en terre, et avec lequel on coupait souvent deux belles asperges invisibles, pour en récolter une visible, grosse comme un crayon. Il est urgent de couper l’asperge à sa naissance sur la griffe. Voici pourquoi: Si on laisse sur la griffe une partie de la tige de l’asperge, ce qui a toujours lieu quand on coupe sous terre avec les antiques couteaux, le tronçon qui reste, vit pendant une quinzaine de jours, et pendant ce temps, il absorbe la sève des racines au détriment des asperges qui naissent.

Dès que l’asperge sort de terre, on la déchausse en éboulant la butte, et on la coupe net à sa naissance, avec une petite serpette, puis on relève la terre. En opérant ainsi, on ne coupe jamais deux asperges à la fois, il ne reste pas de tronçon sur les racines, et de plus, la terre remuée tous les jours, acquiert un moelleux qui favorise encore le développement des asperges.

Si l’on veut suivre à la lettre toutes les indications qui précèdent, on obtiendra infailliblement une grande quantité d’asperges monstrueuses dans tous les sols, et cela, la troisième année, en plantant des griffes d’un an, que l’on peut acheter pour éviter le retard d’un an occasionné par le semis. Mais il est urgent de se procurer l’asperge améliorée d Argenteuil.

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PLANTER DES ASPERGES EN PLAINE.

La culture de l’asperge, en plaine, est la même que dans le potager; elle n’en diffère que dans la préparation du sol à laquelle on apporte plus d’économie. On ne plante des asperges en plaine que pour la spéculation; la première condition est de choisir un sol qui leur convienne, et que l’on puisse préparer sans y ajouter d’amendements trop coûteux. Il faut choisir pour cela une terre de consistance moyenne, ou un sable calcaire gras, exempt de cailloux.

A la rigueur on pourrait donner un bon labour à la charrue, suivi d’une façon au scarificateur, mais il vaut mieux, pour une opération de cette importance , exécuter le labour à la bêche. On enfouit une bonne fumure par ce labour, puis on trace les lignes à 1 mètre au lieu de 1 mètre 20, et l’on plante également les griffes à un mètre de distance.

La plantation se fait comme dans le potager; avec cette différence qu’on fait les fosses à la houe et qu’on fume le fond seulement. Toutes les façons de buttage et de défoncements sont les mêmes.

Pour tirer parti du terrain avant que les asperges produisent, on peut contre-planter les intervalles des lignes, dans le potager, avec des choux hâtifs, des tomates, des haricots et des pois nains, quelques semis très clairs de carottes hâtives ou de navets, mais dans ce dernier cas on ne doit jamais semer plus près que 25 cm au bord des fosses, et ne rien mettre entre les pieds d’asperges. On ne contre-plante qu’entre les lignes.

ASPERGES FORCÉES.

Nous avons conservé dans notre semis d’asperges, une griffe tout les 50 centimètres pour nous fournir du plant pour forcer. Avec ce plant de deux ans, nous ferons dans l’hiver des asperges vertes, appelées à Paris asperges aux petits pois, et avec du plant d’un an, des asperges blanches : ce sont deux cultures différentes ; nous allons les décrire toutes deux :

CULTURE DES ASPERGES VERTES.

On obtient des asperges vertes en quinze ou vingt jours sous châssis, on peut par conséquent en avoir à discrétion pendant tout l’hiver, si toutefois on est bien approvisionné de griffes. On monte une couche de 60 à 80 centimètres d’épaisseur, susceptible de donner une chaleur de 20 à 25 degrés; on recouvre de quelques centimètres de terreau, on pose les coffres, et l’on attend quelques jours.
Quand la couche a jeté son premier feu, on la couvre de griffes d’asperges, posées les unes à côté des autres, puis on coule après, avec les doigts, du terreau entre les racines, et on les recouvre de quatre centimètres de terreau environ. On entretient l’humidité à l’aide de légers arrosements; si la température est froide, on applique des réchauds plus ou moins actifs suivant les besoins, mais de manière à obtenir sous les châssis une température de 20 degrés.
On couvre la nuit avec un ou plusieurs paillassons suivant le froid. Quand les asperges commencent à pousser, on profite du soleil pour leur donner un peu d’air dans le milieu de la journée , quand toutefois il ne gèle pas.
On coupe les asperges au fur et à mesure, si la culture est bien conduite, elles donneront pendant deux mois environ. Les griffes qui ont produit des asperges vertes ne sont plus bonnes à rien, on les arrache après la récolte et on les jette au fumier.

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CULTURE DES ASPERGES BLANCHES.

La plantation des asperges à forcer est la même que celle des asperges en carrés, on plantera des griffes d’un an avec tous les soins indiqués précédemment, mais avec cette différence qu’au lieu d’établir des lignes distantes de 1 mètre 20 centimètres, et de planter les asperges à 1 mètre 20 centimètres, on formera des planches de 1 mètre 30  de large, séparées par des allées de 80 centimètres, et l’on plantera deux lignes de griffes dans cette planche de 1 mètre 30 de large; chaque ligne sera placée à 112 centimètres du bord, et les griffes seront plantées à 60 centimètres de distance sur les lignes. On traitera ces asperges comme celles du potager pendant les deux premières années; la troisième on les forcera, mais comme on ne peut forcer les asperges tous les ans sans nuire à leur durée, on aura le soin d’en planter le double de la quantité nécessaire, afin de n’en forcer que la moitié et de laisser reposer l’autre une année. On ne récolte pas les asperges des plants qui sont au repos, on les laisse pousser sans y toucher, et de plus on augmente encore leur vigueur en supprimant les graines dès qu’elles sont formées.

On commence à forcer les asperges en décembre et en janvier ; trente jours suffisent pour obtenir des produits. On butte les asperges avec du terreau, ou pose les coffres; on les remplit de fumier de cheval frais, et l’on pose les châssis. Ensuite, on vide les allées qui séparent les planches à la profondeur de 50 centimètres environ, et on les remplit avec du fumier chaud, bien foulé et arrosé, jusqu’en haut du coffre. On remanie les réchauds de temps à autre, on y ajoute du fumier frais quand cela est nécessaire, enfin on les gouverne de manière à avoir constamment une température de 15 à 20 degrés sous les châssis. Dès que les premières asperges paraissent, on enlève tout le fumier placé dans le coffre, et l’on double les couvertures de paillassons pendant la nuit, afin de conserver toujours la même température sous les châssis jusqu’à la fin de la récolte.

Il est inutile de donner de l’air aux asperges blanches; tous les soins se bornent à entretenir une température égale sous les châssis. Lorsque la récolte est terminée on enlève les réchauds, mais on laisse encore les châssis quelques jours sur les coffres, afin d’éviter aux asperges le passage immédiat de la température des châssis chauffés, à celle de l’atmosphère. On donne de l’air tous les jours, on couvre la nuit seulement, et enfin on enlève les coffres et les châssis quand les gelées ne sont plus à craindre.

 

Petite histoire de l’asperge en France

L’asperge est peut-être le légume le plus précieux, et c’est celui qui était le plus mal cultivé. L’asperge est toujours attendue avec impatience, c’est le premier légume, il est sain, excellent, et souvent recommandé aux malades et aux estomacs délicats. Aussi, la consommation de ce précieux légume est colossale; l’Allemagne, la Hollande et la Belgique le cultivent avec succès. Les asperges violettes de Hollande, les variétés de Marchiennes et d’Ulm, étaient ce que nous avions de plus parfait, avant que la culture de l’asperge ne fût devenue essentiellement française, et qu’une variété française, l’asperge améliorée d’Argenteuil ne vint détrôner toutes celles connues.

J’ai indiqué précédemment l’asperge d’Ulm, et l’ai tout spécialement recommandée comme la plus précoce et la meilleure. Mais du temps m’a permis d’examiner attentivement, non-seulement l’asperge améliorée d’Argenteuil, mais encore la culture de cette magnifique variété. Après mûr et consciencieux examen, j’adopte, à l’exclusion de toute autre variété, l’asperge améliorée d Argenteuil, comme la plus grosse, peut-être la plus fertile, presque aussi hâtive que l’asperge d’Ulm, et incontestablement meilleure.

Argenteuil nous a non-seulement doté d’une variété d’asperges qui dépasse toutes les autres, en volume et en qualité, mais encore d’une culture aussi simple que féconde en résultats, et qui détrône victorieusement tous les essais timorés du passé.

L’asperge améliorée d’Argenteuil, lorsqu’elle est bien cultivée, mesure de 8 à 10 centimètres de tour; sa longueur est de 35 centimètres, et elle est tellement tendre qu’elle peut être mangée à moitié au moins sur une longueur de 18 centimètres. C’est une conquête toute française , une nouveauté sans rivale. Cette asperge n’est ni verte, ni violette, elle est panachée.

Le Parisien qui pratique sans relâche la science des Berchoux et des Brillat-Savarin, s’est mis, avec cette sûreté de palais qui le distingue, à analyser les qualités propres à chaque espèce. Il a comparé, en fin connaisseur qu’il est; puis, tout bien considéré: forme chez les unes, facilité de cuisson des petites vertes, parfois amères; aspect réjouissant de la Hollandaise, manquant parfois de goût; appropriation de la sauce convenant à chaque sorte; il a décrété, et ce décret a force de loi sur toutes les tables de l’Europe: que le premier prix revenait à l’asperge de Gand, le second à l’asperge de Vendôme, le troisième à l’asperge de Châteauroux, le quatrième à celle de Besançon. Les asperges d’Ulm, de Marchiennes, de Hollande, de forme et de couleur apéritives, mais faibles de goût, n’ont obtenu qu’un simple accessit. L’asperge d’Orléans, verte, amère, fluette, cultivée dans les vignes, et dès-lors, mal cultivée, a été mise au dernier rang; restaient les asperges des environs de Paris : Epinay, Saint-Ouen, Pantin, Sartrouville , Montesson et Argenteuil, jugées égales en mérite, n’ont point été classées; leur mérite si grand qu’il fût, a été reconnu perfectible. On a dit aux cultivateurs de ces communes : Vous avez un sol exceptionnel et le privilège des meilleurs engrais ; comme vous pouvez produire plus gros et meilleur, nous ne vous accordons qu’une mention honorable, nous ne vous délivrons qu’un prix d’encouragement. Vous pouvez devenir les rois de l’asperge; travaillez, et nous aviserons !

Asperge

Argenteuil a pris la décision au sérieux, et il s’est mis à l’œuvre. Plusieurs de ses cultivateurs, en tête desquels il faut placer M. Lhèrault-Salbœuf, se sont livrés avec intelligence et persévérance à la culture améliorante de l’asperge; ils ont mené de front cinq ou six modes de culture à la fois, et tenu compte quotidiennement des résultats, assolements, semis, engrais, choix de situation, préparation de terrain, labours en tous genres , ils n’ont rien négligé; les prix de main-d’œuvre et de rendement de ce produit ont été établis scrupuleusement; six ans après, les cultivateurs d’Argenteuil étaient réellement devenus les rois de l’asperge: ils avaient créé la troisième race qui les a conduit à la fortune.

J’ai cité ces faits comme un exemple à suivre, et pour faire apprécier aux masses ce que vaut l’importation d’une culture lucrative dans un pays. L’asperge améliorée a enrichi tous ceux qui l’ont cultivée, et le nombre en est grand; comptons maintenant la plus-value du sol, occupé par ces cultures, et nous verrons que le sol vaut dix fois ce qu’il valait il y a quinze ans. Non-seulement les cultivateurs sont riches, mais ils ont encore enrichi les propriétaires. Ce sont des millions que la France trouve chaque année, et ces millions sont payés par la Russie et par l’Angleterre.

La culture de l’asperge améliorée est une source de richesse pour tous les pays qui voudront l’entreprendre. Cette culture est aussi neuve à huit lieues de Paris que la variété d’asperges, plus connue des Anglais et des Russes que des Français; car c’est à peine si ces messieurs en laissent quelques bottes pour la halle de Paris, et encore ce ne sont pas les plus belles. Je traiterai donc cette culture à deux points de vue : à celui du jardin du propriétaire., et à celui de la spéculation.

Commençons par poser en principe qu’il faut abandonner d’une manière absolue, l’ancienne culture de l’asperge, dans des fosses profondes, très dispendieuses à établir, et où l’on enfouissait des monceaux de fumier, entièrement perdus. Nous proscrivons encore de la manière la plus absolue les rechargements annuels de terre, passée à la claie, et préparée avec de grandes dépenses, modes de culture aussi ruineux pour le propriétaire que contraires à la végétation de l’asperge. En un mot, il faut rompre en visière avec le passé, abandonner franchement ses errements et ses tâtonnements pour entrer hardiment dans la voie du progrès.

Les propriétaires qui suivront à la lettre la culture que nous allons indiquer, et sans rien y changer, seront certains de récolter en abondance des asperges monstrueuses dans les délais que nous allons désigner. Ceci, s’adresse à tous les propriétaires, même à ceux qui ont creusé des fosses depuis vingt ans, y ont enfoui des pierres, des fascines et la moitié de leur fumier, si ce n’est le tout, sans avoir jamais réussi à récolter une asperge passable. Je réponds d’avance à une objection qui sera souvent faite, celle-ci: « Mon sol n’est pas celui d’Argenteuil ! » A quoi je réponds par ceci : les premières asperges améliorées que j’ai vues, ont été plantées par M. J. Drion dans sa propriété de Beaugençy, elles ont été plantées dans les plus mauvaises conditions; leur volume et leur qualité égalent, s’ils ne dépassent pas ceux des asperges récoltées dans la plaine d’Argenteuil. J’ai trouvé les mêmes résultats dans les maigres terres de Sologne, et dans vingt autres endroits, et c’est après avoir constaté ces résultats égaux dans tous les sols, avec la même variété d’asperges, et avec la même culture, que je me suis rendu à Argenteuil pour y étudier à fond la culture de l’asperge, avant d’écrire les lignes qui précèdent.

 

Jardinage bio

Culture des Asperges

Le terrain qui convient le mieux aux asperges est un composé de terre calcaire, de sable, de terre franche et de terreau. Comme l’Aspergeraie doit subsister quinze à trente ans, on fait choix , dans le jardin, du terrain le plus convenable pour ce genre de culture. Le lieu le plus avantageux est celui qui est sain et suffisamment exposé au soleil; le meilleur terrain est celui qui offre ou qui est devenu un composé de terre calcaire ou marneuse, de sable, de terre franche et de terreau.

On défonce l’emplacement de quarante-cinq centimètres. Quand on ne peut disposer que d’un fond humide, il est à propos de l’égoutter par des saignées, de l’assainir, et de faire le défoncement beaucoup plus profond. Dans ce cas, qui est très fâcheux, parce que les eaux qui séjournent sur les argiles sont funestes aux plantations et surtout aux griffes d’Asperges, on remplace le mauvais terrain du fond de l’Aspergeraie par des pierres de grosseur inégale entremêlées de briques et de tuiles qui ménagent des vides pour l’infiltration et l’écoulement des eaux; on dirige ces eaux vers un terrain plus bas que cette couche, sur laquelle on dispose un lit de rameaux ou de gros buisson; au-dessus de cette couche ou lit, qui doit être aussi à quarante cinq centimètres au-dessous du niveau du potager, on étend les onze centimètres de bonne terre mêlée de fumier presque consommé, qui, dans un terrain ordinaire, forment la première assise de l’Aspergeraie.

Planter des asperges

C’est sur cette couche de terre que l’on place, à la distance de trente-cinq centimètres en tous sens, une griffe d’Asperge bien choisie, âgée de deux ans et récemment arrachée. Cette opération doit se faire au commencement de mars. La fosse se recouvre de quinze à vingt centimètres de bonne terre, terreau, fumiers bien consommés, débris de chaux de vieux murs, terres de voiries, etc., selon que l’on peut avoir ces objets à sa disposition. Il est prudent de fixer des piquets auprès de chaque griffe d’asperge , afin qu’on puisse sarcler et biner le terrain sans être exposé à marcher sur les jeunes plants. Alors le vide de 45 centimètres se trouve en partie rempli, puisque on y a déjà versé au moins 26 centimètres de terre ou terreau qui, en se tassant, n’offrira peut-être au bout d’un an que 20 centimètres au plus. Tel est le travail de la première année.
Cette première année, il suffit de bien sarcler, biner et tenir meuble la surface du sol, où il faut veiller avec la plus minutieuse attention à ce qu’il ne s’établisse pas de plantes parasites, surtout des herbes à fortes racines, telles que les patiences, les chiendents, etc. Si le temps était trop sec, il faudrait arroser le jeune plant qui est fort délicat, et dont il faut, dans les binages, éviter soigneusement d’offenser la racine. Au mois de novembre on coupe les tiges desséchées des asperges, et on sarcle sans biner.

La seconde année, on doit, à la fin de février, découvrir les asperges jusques auprès de la griffe; remettre dessus trois à six centimètres de terreau consommé, et huit centimètres de fumier bien mûri et devenu presque terreau, et recouvrir de huit autres centimètres de la bonne terre qu’on avait retirée de la fosse pour faire le travail que nous venons de prescrire. Si elle n’était pas assez substantielle, on la mélangerait avec de la terre bien engraissée pour l’amender. On continuera , comme l’année précédente, de sarcler et de serfouir avec précaution.

A la troisième année, on fera la même opération que l’année précédente : c’est-à-dire qu’au mois de février on découvrira de nouveau les griffes, toujours bien indiquées par les piquets à demeure dont nous avons parlé; qu’on mettra huit centimètres de fumier consommé et vingt-cinq centimètres de terreau. Cette année on pourra, pendant quinze jours au plus, couper les plus grosses asperges seulement, afin de ne pas affaiblir les pieds moins vigoureux.

La quatrième année, on renouvellera la même opération que la précédente; on ajoutera trois centimètres de terreau de plus, et l’on coupera les plus fortes asperges jusqu’au commencement de juin. Les années suivantes, on les coupera sans inconvénient beaucoup plus tard encore. Désormais l’aspergeraie a besoin de beaucoup moins de soins: on se borne en février à serfouir légèrement, à remplacer cinq centimètres de la terre supérieure par huit centimètres de fumier consommé; à laisser monter les asperges faibles et les tardives, dont on coupe les rameaux à deux pouces au-dessus du sol, vers la fia d’octobre , et à jeter sur l’aspergeraie des feuilles, de la fougère et de la bruyère, qu’on retire au rateau après les gelées.

Dès la quatrième année on peut couper les turions ou jeunes pousses de l’asperge jusqu’en juin , et les années suivantes jusqu’en juillet. On ne laisse monter que les plus petits jets, à moins qu’on n’ait besoin de graines. Dans ce cas, on conserve quelques-uns des premiers et des plus beaux turions. On sent qu’il est nécessaire de laisser tous les ans quelques tiges montantes, car, si on les coupait toutes, on altérerait les griffes et on finirait par faire périr la plante, dont les racines seraient privées du bienfait de la sève que leur envoient les tiges et les rameaux pendant le printemps et l’été.

Comme les griffes ou pattes d’asperges remontent chaque année vers la surface du sol, il faut le recharger et l’élever de vingt-cinq à cinquante millimètres. C’est ce que l’on fait en enlevant cinq centimètres du terrain de la surface, que l’on remplace par une quantité égale de fumier consommé ou de terreau gras sur lequel on rétablit la terre qu’on vient de déplacer.
C’est toujours à cinq centimètres au-dessus du sol, que l’on coupe vers la fin de l’automne les tiges desséchées des asperges.

Quand on craint les fortes gelées, qui à la vérité ne font pas périr l’asperge, mais qui, si elles sont tardives, retardent la végétation; quand d’ailleurs on n’a pas de terreaux à sa disposition, et que l’on veut amender la surface de l’aspergeraie, on y étend, au mois de novembre, des feuilles sèches, des fougères et de la bruyère qui, pendant la durée de l’hiver, y pourrissent en partie, et laissent, quand on les enlève au rateau dans le courant de février , une petite couche de terreau qui donne un bon amendement quoique peu considérable. Au bout de quinze à trente ans , l’aspergeraie a besoin d’être renouvelée; mais, comme elle est d’un bon rapport, et que l’asperge est le plus délicat, le plus nourrissant et le plus sain des légumes, on est bien amplement dédommagé des frais et des soins, par les productions précieuses qu’on obtient.

C’est parce que la griffe de l’asperge remonte tous les ans vers la surface du sol, que nous n’avons pas prescrit de paver le fond de l’aspergeraie, ainsi que le faisaient les anciens jardiniers qui, mauvais observateurs, prétendaient par ce moyen empêcher les racines de s’enfoncer en terre et les forcer de remonter pour former des turions; tandis que ces turions partent du collet, et que les racines n’en produisent pas. Tandis que, au lieu de tendre vers le fond du sol, l’asperge en recherche la superficie.

Il est une autre méthode de former l’aspergeraie : elle offre l’avantage d’éviter la transplantation, mais elle retarde de deux ans les jouissances du jardinier. On prépare, comme nous avons enseigné, la fosse qui doit recevoir, au lieu ds griffes, les graines recueillies bien mûres, et conservées bien sèches et bien nettoyées. Elles seront mises trois ou quatre à la fois, et recouvertes de deux pouces de terreau. Il faut sarcler, arroser et réduire les plants à un seul. A la fin d’octobre, on établit sur la fosse, et sur chaque plant, huit centimètres de la bonne terre dont nous avons parlé dans la première méthode. La seconde année, on continuera de sarcler, de biner et d’élever le terrain. Chaque année on fera de même, jusqu’à ce que les fosses soient comblées. On ne coupera les asperges que lorsqu’elles seront grosses, et comme nous l’avons indiqué.

culture asperges

La récolte des asperges exige aussi quelques soins. On ne doit entrer dans l’aspergeraie qu’avec précaution, afin de ne pas écraser sous les pieds les turions ou jeunes pousses prêtes à poindre. C’est de cinq à huit centimètres sous terre qu’il faut couper. Si l’on veut obtenir de la graine, il est à propos de réserver quelques belles pousses bien vigoureuses, que l’on remarquera pour n’en pas confondre les baies avec celles des tiges de rebut.

Les meilleures variétés de l’Asperge sont: 1/ l’ asperge blanche ou de Hollande 2/ la grosse asperge violette, et 3/ l’asperge verte.

C’est ordinairement en carré que l’on forme l’aspergeraie. On fixe et on maintient des piquets pour indiquer l’emplacement précis des griffes, afin de diriger le jardinier dans ses travaux, pendant lesquels il pourrait les écraser ou du moins les altérer beaucoup. On préviendra cet accident en formant des planches, dans les sentiers desquelles on peut toujours marcher sans inconvénient. C’est ce que j’ai fait avec succès, et ce qui dispense de l’entretien des piquets qui peuvent se déplacer, et qui d’ailleurs finissent par pourrir.

On peut, par le procédé suivant, obtenir des asperges de primeur. On établit cette aspergeraie dans des fosses d’un mètre de largeur; on laisse un sentier de soixante-quinze centimètres autour de chaque fosse. On cultive les asperges d’après les procédés indiqués. A leur quatrième ou cinquième année, on peut les chauffer pour hâter leur production annuelle. Pour cet effet, au commencement de janvier , on creuse le sentier dont il s’agit à une profondeur de quarante-cinq centimètres; on comble cette cavité avec du fumier chaud de cheval ou de mulet, que l’on presse et que l’on élève à vingt centimètres au moins au-dessus du sol; puis on recouvre la planche d’asperges avec dix-huit centimètres, de fumier également chaud, et l’on place par dessus des châssis bien fermés.
A ce moyen, la terre des asperges ne ressent pas la froidure de la saison; au contraire elle s’échauffe et accélère la végétation du plant. Au bout de trois semaines, on peut déjà recueillir des asperges. Il est nécessaire de remplacer par de nouveau fumier chaud celui qui s’est refroidi. La récolte de ces asperges ne doit pas s’étendre au-delà d’un mois et demi, afin de ne pas altérer ce plant, qui ensuite a besoin d’une année de repos pour que l’on puisse en exiger tous les deux ans une production extraordinaire.

Au moyen de plusieurs fosses que l’on fait alterner, on peut tous les ans se procurer cette récolte précieuse. It faut remarquer que, durant l’année du repos, on ne doit couper aucune asperge, afin de donner aux griffes le moyen de se rétablir et de se fortifier.

jardinage bio

Culture de l’asperge

— Les terrains où l’asperge réussit le mieux sont ceux où le sable domine mélangé d’une notable quantité d’argile reposant sur un sous sol sain, perméable, exempt de toute humidité stagnante.
On multiplie l’asperge en semant la graine depuis le 15 février jusqu’en avril, soit à la volée, par planches, ou mieux encore en rayons, que l’on espace de 40 cm.
On recouvre les graines de 4 ou 5 cm de terre bien meuble ou de terreau léger, la levée s’opère ordinairement entre quinze et vingt jours; quelques semaines après, on éclaircit les jeunes plants. On bine et on sarcle, plusieurs fois dans le courant de l’année, et on arrose pendant les chaleurs.

C’est après une année de semis que les jeunes griffes doivent être employées pour la plantation, car c’est à cet âge qu’elles auront le moins à souffrir de la transplantation, et par cela même réussiront le mieux. Les griffes de deux ans sont encore très bonnes. Après ce délai, je ne conseillerai guère de planter, car plus âgées les griffes reprennent mal, on est obligé d’y revenir plusieurs fois pour avoir une plantation entière.

L’arrachage des griffes doit se faire avec soin, afin de ne point trop endommager les racines ; pour cela, on se sert d’une fourche ou d’une houe fourchue, mais il ne faut pas craindre d’ouvrir une bonne tranchée.

Dans beaucoup de contrées, les cultivateurs ont la mauvaise habitude de planter trop profond, d’où il résulte que les produits obtenus sont toujours inférieurs en tant que grosseur et en moins grande quantité. Car cette plante, comme toute autre, se plaît et réussit de préférence dans une terre suffisamment fumée, et surtout réchauffée par le soleil ; et ce n’est pas en creusant des fosses de 50 ou 60 centimètres de profondeur, que l’on réunira ces conditions. Aussi qu’arrive-t-il? La terre où doivent végéter les griffes, étant neuve et n’étant jamais remuée ni amendée, ne reçoit qu’indirectement ou, pour mieux dire, jamais les rayons solaires ; il en résulte une mauvaise végétation.

Voici l’opinion de M. Vilmorin à ce sujet : « On peut dire, d’une façon générale, que le grand point, et celui d’où dépend principalement le succès, est de ne pas soustraire la griffe d’asperge à l’influence de la chaleur, et de la placer en même temps dans un milieu où elle trouve en abondance la nourriture qui lui est nécessaire. Il faut donc que la griffe soit plantée à une petite profondeur, et qu’elle ne soit recouverte d’une assez grande épaisseur de terre que pendant la saison de la couche, alors que cela est absolument nécessaire pour obtenir des asperges d’une longueur suffisante. »

Il n’y a pas de règle spéciale pour la plantation de l’asperge ; on opère selon la disposition du terrain, soit en ligne isolée entre les joualles de vignes, comme cela se pratique souvent dans la Gironde ; en lignes le long des murs, soit en carrés, soit en planches.

Cette dernière méthode étant reconnue la plus pratique, et la plus généralement adoptée, nous allons la décrire.

Dans le courant de l’automne ou au commencement de l’hiver, on laboure profondément le terrain où l’on veut planter. Quand vient le moment de faire la plantation, c’est-à-dire en février et mars, et non en novembre, comme nous l’avons vu faire quelquefois, on commence par marquer l’emplacement que doit occuper chaque planche. Les planches de 1 mètre, destinées à recevoir les griffes, seront creusées de 15 à 20 centimètres de profondeur, pas davantage ; on rejette la terre dans l’espace de l m ,50, laissé libre pour le sentier.

Après avoir travaillé le fond des fosses, on y répand une couche de 5 centimètres de fumier bien consommé ou de terreau, de boues de rivières desséchées ou tout autre engrais ; on tasse en marchant dessus, on recouvre de 5 centimètres déterre meuble qu’on égalise.

On trace ensuite deux lignes à 25 centimètres des bords, soit 50 centimètres l’une de l’autre, puis on plante les griffes à 90 centimètres sur la ligne et en échiquier. Il est important, en les plaçant, de former une petite pyramide de terre sous chacune d’elles, pour donner aux racines la facilité de s’enfoncer et asseoir la griffe.

On tasse avec la main les jeunes racines pour les faire adhérer au sol, puis on recouvre de 4 ou 5 centimètres de terre meuble ; on nivelle le dessus, ainsi que les intervalles des planches qu’on utilise en y plantant des romaines, des choux, des radis, des navets, etc., mais on doit calculer le temps qu’il leur faut pour se développer, afin que les intervalles soient libres à l’époque où il faut charger ou décharger les planches, distribuer les engrais, etc.

Les autres soins à donner aux griffes pour cette première année consistent à sarcler et à biner fréquemment. En novembre ou décembre, on coupe les tiges à 13 ou 15 centimètres au-dessus du sol, puis on enlève la terre à quelques centimètres au-dessus du niveau de la griffe ; on étend sur chaque planche une petite couche de fumier gras ou de bon terreau, et on laisse passer l’hiver dans cet état.

En mars de l’année suivante, on donne un bon labour soigneusement exécuté, afin de ne pas endommager les racines ; on y ajoute un peu d’engrais, et on enfouit le tout dans le sol ; on recharge d’une petite épaisseur de terre.

La plantation passe l’été dans cet état, recevant les mêmes soins que la première année, sarclage, binage, paillage, si cela est utile ; on arrose pendant les grandes chaleurs les pieds qui paraîtraient souffrir. Cependant la chaleur ne les fatigue guère que la première année.

A la troisième année, on fait les mêmes opérations, et, au printemps, on les butte plus fortement ; on étend sur toute la planche environ 25 centimètres de terre ; on nivelle la surface, ainsi que le fond des intervalles.

On peut alors commencer à faire une bonne petite récolte.

Mais ce n’est qu’à la quatrième année que l’on pourra faire une cueillette générale.

Par la suite, on donnera les mêmes soins de culture ; chaque année, on butte davantage, si l’on veut obtenir des asperges plus longues. Quant aux fumures, lorsque le terrain sera suffisamment amendé, on ne fumera plus que tous les deux ans ; dans ce cas, l’année où l’on ne fumera pas, on arrosera avec du purin ; c’est une très bonne opération qui active énormément la végétation.

Les plantations entre les vignes, comme cela se fait beaucoup dans le Sud-Ouest, notamment dans la Gironde, se pratiqnent de la même façon, à cette seule différence qu’il n’y a qu’un seul rang de griffes par joualle ; les autres soins sont exactement les mêmes.

Une plantation d’asperges bien conduite peut durer de quatorze à seize ans, en donnant de magnifiques produits. Mais il faut se garder, quand on arrache les vieilles plantations, malgré le meilleur défoncement que l’on puisse faire, d’y planter de nouveau ; ce serait une mauvaise opération.

C’est lorsque le turion commence à paraître au-dessus du sol qu’il est temps de le cueillir. Cette opération doit se faire avec soin, afin de ne pas endommager ceux qui commencent à pousser. On se sert d’un outil spécial ayant la forme d’une gouge, que l’on glisse le plus perpendiculairement possible auprès de l’asperge que l’on veut couper ; arrivé à une certaine profondeur, on la coupe. Beaucoup de cultivateurs prétendent qu’il vaut mieux déchausser l’asperge avec la main ou une spatule en bois, et l’éclater à la base.

Culture forcée de l’asperge.

— On force l’asperge depuis octobre jusqu’en février, en pleine terre ou sur couches chaudes. En pleine terre, le forçage ne peut donner de bons résultats qu’autant que la plantation aura été faite dans cette intention.
Les griffes doivent être beaucoup plus rapprochées, afin qu’il n’y ait pas de terrain perdu, à 30 ou 40 centimètres en tout, cela est suffisant. On met deux ou trois rangs par planche, selon la largeur des coffres qu’on veut placer dessus; la plantation doit être régulière pour toutes les planches.
Ce n’est qu’à la quatrième année qu’on commence à forcer ; pour cela, on creuse, de chaque côté de la planche, des fossés larges de 50 centimètres, profonds de 40 centimètres, qu’on remplit de bon fumier de cheval sortant de l’écurie, et bien tassé; en creusant, on rejette une partie de la terre sur la planche, on y place des coffres avec leurs panneaux, on forme un bon réchaud autour, qu’il faut souvent remanier et y ajouter chaque fois du fumier neuf.

Les planches qu’on aura forcées une première année ne pourront pas l’être la seconde ; cela compromettrait la récolte et ruinerait les griffes. Ce n’est donc que tous les deux ans qu’on devra forcer la même planche.

La culture forcée sur couche chaude est plus facile, et donne de meilleurs résultats, plus prompts et moins dispendieux.

Mais il faut avoir à sa disposition une grande quantité de griffes, ce qui est facile en semant tous les ans quelques lignes. Le jeune plant de trois à cinq ans est le meilleur pour ce genre de culture.

Les vieilles griffes que l’on veut détruire donnent encore une bonne récolte. A la même époque que nous avons indiquée, on prépare de bonnes couches épaisses de 40 à 60 centimètres. On y place les coffres, on y ajoute un peu de fumier à l’intérieur qu’on foule bien avec les pieds, puis on recouvre de 5 ou 7 centimètres d’un bon mélange, mi-partie terre de potager, mi -partie terreau. On recouvre de châssis, et on laisse dans cet état jusqu’à ce que la couche ait jeté ses feux ; une semaine suffit. On y met ensuite les griffes qu’on dispose debout appuyées les unes aux autres, le collet à la même hauteur. On rogne un peu l’extrémité des racines trop longues, et avec une petite palette en bois, on y fait glisser la terre ; puis on arrose légèrement, et on recouvre le tout de 5 ou 6 centimètres de terreau et plus, selon que l’on veut des asperges longues et blanches. Certains cultivateurs recouvrent avec de la mousse, du son de bois, même du sable, etc.

Huit à douze jours après ces opérations, les turions commencent à paraître ; on les coupe à mesure de leur développement. Il faut veiller aux couches, y mettre des réchauds quand elles se refroidissent, couvrir de paillassons dans la journée, selon que l’on veut obtenir des asperges vertes ou blanches.

Graines de l’asperge

— Pour récolter la graine d’asperge, on choisit les plus belles pousses, lorsque la fécondation est opérée et que les ovaires renfermant les graines commencent à paraître; on y met un tuteur, afin que le vent ne les casse pas ; puis, quand vient l’automne, après les premières gelées, on ramasse les ovaires qui ont pris une belle couleur rouge minium; on les écrase dans l’eau, les graines se précipitent au fond, et les pellicules nagent à la surface; il est donc facile de s’en débarrasser. On étend ensuite les graines sur des linges ou des planches, on les expose quelque peu au soleil, ou mieux dans un endroit bien aéré, dans un courant d’air où elles sèchent complètement. On les réunit alors dans de petits sacs de toile ou de papier. Elles se conservent bonnes pendant deux ans, mais il est toujours préférable de semer la graine de l’année précédente.

Maladies de l’asperge, Animaux nuisibles.

— Nous ne connaissons guère de maladie proprement dite qui attaque l’asperge. Quelquefois cependant, on rencontre des griffes qui pourrissent à l’automne ; cela est dû à la mauvaise constitution de la plante ou au terrain trop humide. Dans les sols humides, en automne, nous conseillons de ne pas couvrir de fumier à cette époque, on évitera ainsi cette maladie.
La limace, les escargots sont très friands des jeunes pousses d’asperge, qu’ils rongent, et parfois y font des trous, ce qui les détériore beaucoup. On devra donc détruire ces animaux par tous les moyens connus.

Le criocère (Crioceris rubra) de Geoffroy est le plus terrible ennemi de l’asperge. C’est un petit insecte rouge, tiqueté de petits points gris et blancs que l’on appelle tigre de l’asperge. Le criocère fait deux pontes, l’une au printemps l’autre au mois de juin et juillet. Après que la femelle est fécondée, elle se promène sur les tiges; elle cherche un endroit pour y déposer ses œufs, chaque œuf sort du corps, enduit d’une matière propre à le coller. Au bout d’une quinzaine de jours, ces œufs sont éclos et donnent naissance à une multitude de larves, de couleur verdâtre, sales, qui dévorent les parties les plus tendres de l’asperge, c’est à l’état de larve que le criocère fait le plus grand dégât, en raison surtout du grand nombre.

Quand on s’aperçoit qu’un carré d’asperges est envahi par cet insecte, il faut essayer de le détruire. Pour cela, on prend un récipient étanche,dans lequel on aura mis un peu d’huile; le récipient placé sous la plante, on secoue légèrement les tiges, et tous les insectes qui s’y trouvent y tombent; l’huile les empêche de s’évader; alors on les écrase.
Le ver blanc est également, dans certains sols, un terrible ennemi de l’asperge. Sa destruction est difficile, car il n’y a qu’un moyen, c’est de l’écraser. Tous les moyens que l’on a préconisés, comme cendre de chaux, jus de tabac, soufre ou autres ingrédients, n’ont jamais donné de bons résultats.

La taupe ne détruit pas l’asperge, mais elle exerce de grands ravages, en creusant des galeries souterraines qui mettent souvent les griffes à découvert. Le moyen de la détruire est facile, en plaçant des pièges en bois, dans les galeries fraîchement faites.

Usages.

— En France, on mange les asperges blanches et on doit les cueillir juste au moment où elles apparaissent.
Au Portugal et en Italie, on ne les mange qu’après les avoir laissé verdir, c’est-à-dire quand elles ont une longueur d’une douzaine de centimètres au-dessus du sol.

La racine d’asperge fait partie des cinq racines apéritives, on l’emploie souvent comme diurétique. Le principe actif des racines est l’asparagine.

Les jeunes pousses d’asperges, connues sous le nom de pointes, fournissent deux médicaments, le sirop et l’extrait de pointes d’asperges.

Les tiges servent, en Provence, pour filtrer le vin qui sort de la cuve.

On retire des baies d’asperges, par la fermentation et la distillation, un alcool très pur qui sert à faire d’excellente liqueur de table.